Nos mères paient depuis la nuit des temps
Depuis l'histoire de la pomme d'Adam
Elles portent les mots et les torts du monde pour leur vivant
Jacaerys Velaryon n'avait jamais tant ressenti l'héritage de ses noms qu'au moment de sa mort.
Le feu avait fait rage, décimant les navires qui étaient censé escortés ses petits-frères en sécurité. Sur l'un d'eux, il savait que se trouvait encore Viserys. Mais il n'avait rien pu faire et s'était noyé, n'ayant jamais autant embrassé son côté Velaryon qu'au moment où il coulait dans les ténèbres de l'océan, son tombeau éternel. Et malgré toute sa détermination à vouloir sauver son frère, à vouloir honorer la mémoire de ses ancêtres, de son frère assassiné, d'Harwin ce père secret, de Daemon ce père effacé, à vouloir servir sa mère et l'aider, à honorer son rôle d'héritier, il ne put s'empêcher d'adopter la chaude idée de retrouver ses frères, leurs sourires et leurs rires. Reverrait-il Harwin aussi ? Et Laenor ? Et Rhaenys ? Pourquoi pas Visenya, son grand-père même ?
Jace aurait préféré rester en vie, pour sa mère et ses frères, et Baela... Mais la mort ne lui semblait pas totalement inhospitalière comme il se préparait à la laisser l'accueillir.
Pourtant ce n'est pas la mort que Jace trouva. Dans ses derniers instants de lucidité, sa main s'était tendue vers ce morceau de miroir et il s'était retrouvé là.
Un autre monde. C'était ce que tout le monde n'avait de cesse de lui répéter, un autre monde, de partout où il demandait depuis qu'il était sorti de cette pièce blanche, horrible et vide.
Sa seule source de joie résidait dans le fait d'avoir retrouvé Vermax dès qu'il en était sorti. Cela faisait des jours à présent qu'il sillonnait les cieux sur son dos, cherchaient des réponses quand à sa situation.
Ainsi il avait entendu dire que Port-Réal existait et il avait eu l'idée de s'y rendre, le cœur empli d'un espoir vivace à l'idée d'y trouver sa mère ou Daemon, ses frères, Baela et Rhaena. Peut-être même son grand-père ?
Cependant, il avait été obligé de faire de nombreuses pauses avant de parvenir jusqu'à la ville, tentant d'ignorer la terreur qui était la sienne d'y trouver plutôt les Verts. Vermax était encore jeune et il était difficile de voler des heures durant sans pause pour lui, surtout avec le peu de nourriture qu'il parvenait à lui trouver.
C'était dans la ville de Pair Caravel que sa halte le guida. Sans un sous poche, il ne prétendait rien acheter mais seulement collecter quelques informations.
Les lieux lui paraissaient d'ailleurs plus confortables que d'autres qu'il avait survolé ou visité, sûrement car plus proches du mode de vie qu'il avait toujours connu.
Le jeune Velaryon se baladait entre les stands lorsqu'il l'entendit, paralysant son corps, hâtant son cœur. Soudainement, il se mit à tourner sur lui-même, à regarder dans le ciel. Il l'aurait reconnu entre mille. Jacaerys était peut-être un piètre adepte du haut valyrien, il n'excellait pas plus qu'un autre au combat malgré les cours que Daemon avait pris à cœur de leur donner à lui et ses frères, à ses propres filles et il était certainement loin d'être le meilleur des dragonniers. Mais il avait toujours sur reconnaître les différents rugissements des dragons sur Peyredragon, le sien, celui de Caraxes qui était toujours amusant à entendre et surtout, celui de Syrax.
C'était le rugissement de Syrax qu'il venait d'entendre, il en était certain, il le savait dans ses os, dans sa chair, dans son sang.
Il finit par apercevoir l'ombre du dragon dans le ciel, tourner autour du grand château. Jace n'y pensa pas plus et quitta les stands, se précipita hors de la ville, sans doute en bousculant une ou deux personnes au passage. Il trouva Vermax sans difficulté et l'enfourcha, chassa l'ombre dans le ciel et survola en un rien de temps l'édifice pour rejoindre Syrax, car il n'y avait plus de doute pour le jeune homme. Vermax exprima sa joie en fonçant sur la dragonne qui fit le tour du plus jeune dragon et de son cavalier. Mais aucune trace de sa mère.
Jace ne prit pas le temps de réfléchir plus, il retourna simplement au sol avec son dragon et une fois que ses pieds eurent rejoint la terre à leur tour, il regarda partout autour de lui. Si Syrax était là, certainement, sa mère aussi.
Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine, Vermax laissant s'épancher la joie et l'impatience de son dragonnier par de doux sifflements que Syrax lui renvoyait. Mais aucun des sons de joie apparente des deux dragons n'auraient pu rivaliser avec l'explosion de son cœur lorsque ses yeux se posèrent enfin sur la silhouette de sa mère.
— Mother !