J'aurai voulu te protéger toute une vie [Da Ge]

Les rumeurs vont bon train et cette fois-ci c’est sur un tout autre Nie que Huaisang. Nie Mingjue aurait été aperçu aux abords de Qinghe. Huaisang n’avait pas porté attention à ces rumeurs. Un cultivateur de la secte Nie aux allures féroces, ce n’est pas ce qui manque à Qinghe. De plus, ce genre de rumeurs est devenu presque une légende urbaine pour faire peur aux jeunes disciples des différentes sectes. Comporte toi bien ou le cadavre de Nie Mingjue viendra te punir. Huaisang pousse un soupir, au moins il n’est plus le seul à avoir peur d’être menacé par son frère. Nostalgique, il pourrait presque l’entendre lui demander où est son épée.

Il secoue les mains devant lui en se dandinant dans son siège.

“Assez, assez, je ne sais pas. Ce n’est pas Da Ge. Il serait déjà venu m’effrayer et me soulever par le col. Cessez de vouloir me faire faire des cauchemars, je ne veux plus entendre parler de cette histoire !” dit-il dramatiquement aux hommes venus faire leur rapport.

Son bras droit essaie d’insister mais Huaisang fait la sourde oreille …. Au sens propre. Les mains plaquées sur les oreilles, il part en courant.

“Lalalalalalala je ne suis au courant de rien, laissez moi, je ne sais pas !”

Lorsqu’il est dans cet état, il est impossible que leur chef entende raison, aussi, le cultivateur abandonne.

Pourtant, l’incertitude lui a torturé l’esprit une bonne partie de la nuit. Et si c’était vraiment Mingjue ? Après tout, dans ce monde, certaines personnes reviennent réellement à la vie. Il s’interdit de penser à ça, la déception ne ferait que trop mal. Huaisang estime qu’il a déjà beaucoup trop souffert. Cela fait dix ans qu’il a compris qu’il ne verra plus jamais son gege, hormis sous l’apparence d’un cadavre féroce, le temps d’une vengeance.

Il se souvient très bien de la douleur qu’il a ressenti en rassemblant les morceaux de son corps pour les recoudre. Des larmes qui ont coulé alors que les membres s’agitaient pendant que le corps de Nie Mingjue prenait forme. De la colère et de la folie de son défunt frère qui a tenté de le tuer, une fois la tête recousue … Avant de se calmer étrangement, comme s’il l’avait reconnu.

Bien sûr, ils sont frères mais Huaisang sait qu’il lien si fort les entoure. Cela a déjà été prouvé par deux fois pendant sa déviation du qi. Une première fois en pleine crise, où il a essayé de le tuer, avant de le reconnaitre et revenir à la raison grâce à sa présence. Une seconde fois où il l’a poignardé avant de revenir à lui sous son cri et ses larmes … Et de mourir contre lui.

Si c’est bien Mingjue qui est présent à Qinghe, aucun doute qu’il le reconnaîtra mais Huaisang sait que c’est un scénario qui mènera à la mort. Il ne veut plus souffrir. Pourtant, si c’est une réalité, il doit s’en assurer. Parce que si Mingjue est vraiment là, il ne peut pas l’abandonner et le laisser seul. Jamais.

Huaisang sort de son lit, seulement vêtu de la couche inférieure de son hanfu. Une tenue bien trop légère et inappropriée pour sortir, mais Huaisang ne s’en préoccupe pas, le coeur beaucoup trop douloureux par l’image de son frère seul et perdu. Il enfile ses bottes et par en courant, ne prenant pas la peine de se saisir de son épée -mais bien sûr qu’il pense à son éventail-

Sorti ainsi en pleine nuit, il s’occupe de monter à cheval qui part au galop, là où Nie Mingjue aurait été vu. Il descend de son cheval, à l’extérieur de la ville, près d’une forêt, puis inspecte les environs. La forêt a toujours été terrifiante mais de nuit, c’est pire. D’autant plus que ces derniers temps, elle attire les cadavres féroces.

Huaisang essaie de ne pas se focaliser sur la peur de tomber sur les créatures, et bientôt une petite maison à l’entrée de la forêt se dessine. Elle est vieille et abîmée, tombant en ruine. Huaisang hésite avant de finalement ouvrir la porte. Le plancher de bois craque sous ses pas. Son entrée n’est pas discrète et engendre un bruit sourd au fond de la maison. Du mouvement.

En quelques secondes, ils se retrouvent face à face et aucun des deux n’étaient prêt. Huaisang reconnaît la carrure imposante et les yeux sombres … sans aucune lueur de folie Des yeux vivants. Une peau qui a perdu la couleur pâle du cadavre.

Il aurait voulu se retenir, mais c’est plus fort que lui, un cri de douleur, d’angoisse et de souffrance, s’échappe de sa gorge.

“Da …. Da Ge ?”

Sa voix est plus brisée qu’il ne l’aurait voulu. L’émotion le submerge et les larmes coulent sur ses joues. Ses jambes tremblantes ne le tiennent plus et Huaisang trébuche en avant.

Pourtant, il n’atteint pas le sol, sa tête percutant le torse étonnamment chaud de Nie Mingjue.

Il ferme les yeux, les larmes coulant sur son visage.

J’aurai voulu te protéger toute une vie.

Les bras de Huaisang passent autour de lui, mais il est bien incapable de prononcer le moindre mot. Juste … Rester ainsi, réconforté par la chaleure corporelle qui lui prouve qu’il est en vie.