Une protection assurée (Flashback) [PV Natasha Romanoff]

@David Nolan

Bien. Elles ne faisaient pas du si mauvais travail, avec Inej, à essayer de placer toutes les filles qu’elles avaient libérées. Rares étaient celles qui arrivaient à retourner chez leurs parents, mais derrière toute l’horreur de cette information, Natasha y voyait une bonne chose, un schéma, une habitude. En somme, quelque chose à traquer. Une piste verte, sur l’échelle de l’espionnage. Inej râlerait sans doute, parce que le sentier de petits cailloux les menaient à Gotham, surtout à Gotham et que cette ville de merde était un nid de vipères. Mais toutes les vipères ne se ressemblaient pas. Pourtant, elles avaient toutes les mêmes habitudes, les mêmes astuces. Le crime ne dormait jamais mais il n’avait pas deux neurones. Difficile de leur en vouloir dans un bled où l’illégal gérait toutes les affaires. Ils avaient si bien fonctionné pendant des décennies qu’un grain de sable dans leur machine si bien huilée paraissait lunaire, plus encore quand l’expérience quotidienne de l’inacceptable le rendait normal. On s’y fait, y’a pire à côté. Ce genre de logique d’un côté et de l’autre, celle des politiciens corrompus : on s’en met plein les poches, on ne va pas râler.

Elles iraient sabler des rouages plus tard, car l’espionne avait d’abord besoin de quelqu’un pour l’aider à réhabiliter deux filles, assez jeunes pour repartir de n’importe où mais assez âgées pour se débrouiller à deux. Storybrooke avait toujours été une solution comme une autre. Envisageable parce que calme, neutre et tellement surveillée et compromis parce que tellement surveillée. A la fois avantage et inconvénient, il fallait réussir à y insérer ses petites sans faire trop de vagues. Si elles parvenaient à se faire accepter, personne ne serait plus en sécurité qu’elles deux. Et si l’aspect sécuritaire de l’endroit ne leur plaisait pas, elles feraient ce que bon leur sembleraient. Natasha n’était pas une déesse pour autant, elle n’avait pas de solution qu’elle refusait d’offrir pour toutes les situations. Elle n’avait que des solutions imparfaites, parce que les êtres humains étaient imparfaits.

Pourtant, il lui fallait quelqu’un de parfait. Inimaginable dans un monde où même les dieux étaient des connards ? C’était mal connaître l’éternel optimisme de Natasha ! Aha. Elle avait toute confiance dans les plumes d’auteurs moralisateurs pour écrire des personnages qui n’existent que dans les contes : touts blancs ou touts noirs. Un personnage dont la quête épique n’était dictée que par le courage, l’amour et la justice. Toute sa vie aussi. Quel heureux hasard donc de débarquer à Storybrooke, où la réputation du Sheriff local, qui n’était rien de moins qu’un prince charmant, n’était plus à faire.

« Sheriff, j’ai un problème dont j’aimerais m’entretenir avec vous. En face à face et en privé si possible. Vous seriez d’accord pour se rencontrer chez Granny ce soir après votre garde ? »

@David Nolan

Natasha détestait les demoiselles en détresse. Pas les personnes qui avaient réellement besoin d’aide, mais bien celles qui en faisaient des caisses pour qu’on vienne les sauver à chaque fois quand cinq minutes de réflexion auraient suffi à arranger bien des problèmes. Pourtant, qu’il était facile de se faire passer pour une. Quelle praticité, également, dans une ville où absolument tout était sous contrôle et les aller-retours surveillés, de pouvoir se fondre dans un moule de princesse désespérée. Parce qu’elle y avait pensé en amont et trouvait fort pratique que la Russie et son histoire nourrissent tant de fantasmes : la Fox avait fait un super taf là-dessus et les identités s’empruntaient si facilement, après tout…
Il lui suffisait d’entrer. Une fois à l’intérieur, l’espionne n’aurait aucun mal à trouver les trous dans les mailles du filet, et si elle n’avait pas besoin de les exploiter : tant mieux. Elle préférait juste savoir où elle mettait les pieds, avec qui, et comment se barrer vite et sans faire de vague. Elle aimait pouvoir disparaitre, se fondre dans les ombres comme elle le faisait si bien et que plus personne n’entende plus parler d’elle. Mais, si elle envisageait toujours cette option, ce n’était pas sa priorité ici. D’abord, elle voulait voir si David serait suffisamment digne de confiance pour placer sous sa responsabilité de Sheriff deux nouvelles habitantes que Natasha ne tenait pas à revoir tomber dans de mauvais filets.
David Nolan était-il bon, compétente dans son domaine pour assurer la sécurité de la ville dont il avait la charge ? Ou n’était-il là que par habitude, convention ou par la force des choses ? Valait-il la réputation qui le précédait ?

« Anastasia, mais appelez-moi Anya, tout le monde m’appelle comme ça. »

Pauvre petite tsarine en fuite qui, selon les meilleurs renseignements dont Natasha, ne vivait nulle part dans les mondes connus. Et morte dix ans plus tard dans l’incendie d’un hôpital ? Non, c’était une théorie que certains officiels soviétiques lui avaient tenue, mais Natasha n’avait jamais eu la curiosité pour se pencher davantage sur la question, pas plus qu’elle n’avait souffert de cette accusation à moitié déguisée. Peu importait réellement la réponse d’ailleurs, car la vie de l’espionne n’en serait pas moins baignée par l’ombre, le sang et le mensonge. Que pouvait lui apporter le passé, un siècle plus tard ? D’autant plus qu’elle n’était plus chez elle, elle n’aurait nulle part où chercher si elle voulait en savoir davantage. C’était sans doute le seul sujet qui la laissait si parfaitement de marbre quand seule face à sa curiosité.

« Si ça ne vous dérange pas », reprit-elle d’une voix plus douce, mais pas moins inquiétée, « j’aime autant vous en parler directement. Je n’ai pas confiance en ces… téléphones, j’ai entendu dire qu’on pouvait les écouter. »

Allez, il ne devait pas être bête ! Avec ce qu’elle venait de lui dire, il comprendrait sûrement qu’elle craignait, se cachait de ou fuyait quelqu’un. Natasha n’avait qu’à espérer que sa curiosité serait, pour l’heure, satisfaite.