« What am I now ? » Ft. Ajak.

@Ikaris



@Ajak

Plus cela passait, plus Ikaris avait du mal à savoir s'il détestait plus ce monde-ci, ou celui qu'il avait essayé de fuir par la mort...
Depuis un an qu'il se trouvait dans ce monde, il n'avait pas essayé de s'intégrer, de s'intéresser à ce qu'il se passait autour de lui ou sur le pourquoi du comment il avait atterri ici.
Il avait vécu tout ça comme une sorte de punition, destinée à le laisser à méditer sur sa trahison et sur son échec à la fois.

Et pourtant... Tout semblait l'avoir rattrapé... Il avait suffi qu'il retrouve une technologie Éternelle et qu'il veuille la protéger pour que les ennuis lui tombent dessus.
ll y avait eu cette fille qui avait essayé de la voler et qui l'avait attaqué, pour commencer. Puis le retour d'un semblant de socialité dans sa vie avait totalement fait disjoncté Ikaris.

Il avait fini par abandonner sa minable cachette près de Storybrooke pour se rendre à New-York, en tout cas le New-York de ce monde-ci, et tenter de voir s'il pouvait y trouver une meilleure cachette pour cette foutue technologie.
Dans cette "recherche" cependant, il s'était un peu trop remémoré la trahison des Éternels, de la trahison de Sersi. Pour eux... Ces humains..
Et comme il les voyait autour de lui, il ne comprenait pas, non, qu'est-ce qu'il pouvait bien faire qu'ils puissent être si dignes d'être sauvés, eux plus qu'un autre peuple ?
Ils en avaient sacrifié tant afin de permettre aux célestials de naître et de continuer à faire tourner le monde, Ikaris ne prétendrait pas que tout ces sacrifices avaient été faciles mais ils avaient toujours été nécessaires, il avait toujours su voir ce qu'il y avait de primordial, ce qui faisait que leur mission était absolument au-dessus de tout.
Et au cours de tous ces sacrifices, il avait toujours pensé que les autres comprenaient aussi, qu'ils savaient leur mission plus importante que tout, au final. Mais non. Ils l'avaient tous trahis, trahis leur mission, leur raison même d'exister. Et il en était là. À ne plus savoir ce qui était juste ou non, ce qui pesait le plus ou non, il en était là, de ses regrets, de sa colère et de sa peine. Il était là, seul.

Alors Ikaris avait oublié la raison première de sa présence à New-York. Comme un humain cherchant à oublier sa minable condition, il avait cherché à oublier la souffrance mentale.
Ainsi, il s'était replié sur la souffrance physique. Il avait bu que plus de raison sans doute, sans que cela n'ait un effet aussi certain sur lui que sur l'espèce humaine puis, dans ce club clandestin, il avait commencé à se battre.
Oh sans aucun doute qu'il était bien plus fort que tout ceux qu'il avait affronté cette nuit-là, il lui aurait été aisé d'en venir à bout et pourtant, Ikaris n'en fit rien.

Toute la nuit durant, il laissa les coups pleuvoir, il se laissa mettre à terre. Parce qu'il préférait souffrir de cela que des images, des souvenirs et des émotions qui tournaient en boucle dans sa tête, dans son cœur.
Il préférait ça au souvenir des yeux de Sersi, de sa déception. Il préférait ça au souvenir du corps froid, sans vie, d'Ajak dans ses bras après qu'il l'ait laissé se faire tuer par les Déviants.

Il aurait continué à laisser pleuvoir les coups encore si le club n'avait pas fini par fermer ses portes à une heure bien trop indécente.
Pour tout dédommagement, le patron et ses employés le jetèrent comme un malpropre dans la ruelle de derrière, avec les ordures, ses consœurs sans aucun doute.

Il avait fier allure "Icare". Non content de s'être vu refusé de se faire brûler les ailes, il se retrouvait allongé dans des sacs d'ordures, le visage en sang.
Rien qui puisse le tuer, mais il n'avait pas la capacité de guérir, contrairement à Ajak. Pas que ça lui ait servi quand il l'avait trahi de toute façon...
Un rire ironique passa la barrière de ses lèvres à cette idée, alors qu'Ikaris ne parvenait même pas à se relever, empêtré dans les poubelles.

@Ikaris



@Ajak

Des erreurs... Ikaris avait conscience d'en avoir commises aussi. Le problème, c'est qu'il ne savait pas dans quel sens il les avait commises, qu'il ne savait plus où il en était, que la culpabilité, les regrets et la colère le grignotait petit à petit et qu'il n'y avait rien dans ce monde qui l'intéressait assez pour dépasser tout ça.

Alors, au lieu de tenter de dépasser tout ça, Ikaris avait choisi de se donner pleinement à la douleur physique, d'adopter le comportement destructeur des humains pour lesquels ceux qui étaient censés être sa famille l'avaient abandonné, traité comme un traître.
Comment est-ce qu'il en était venu là ? La tête en sang, le corps en piteux état, son âme et son être entier ébranlé par les pires incertitudes et les pires remords, seul, haï des Éternels, lui les tenant pour responsable de l'échec de leur mission, du vide qui le tordait actuellement de l'intérieur.
Qui était-il, à quoi servait-il s'il n'aidait plus les Célestials à venir à la vie ? Quel était son but ? Protéger les humains ? Certes, ils avaient réussi à déjouer les plans de Thanos, mais Ikaris ne voyait rien en eux de pure ou qui soit plus digne à sauver que d'autres peuples, d'autres espèces, d'autres cultures qu'ils avaient déjà aidé à réduire à néant par le passé...
Il n'avait jamais pu s'attacher à eux, comment l'aurait-il pu de toute façon en connaissant le destin qui aurait dû leur être réserver ?
Peut-être, cela aurait-il été différent s'il n'avait jamais su ? S'il avait vécu dans le mensonge comme les autres ?

Il était bien trop tard pour le savoir... Et même s 'il obtenait une réponse, même s'il tentait de comprendre ce que Sersi et les autres pouvaient voir en cette espèce, à quoi cela lui servirait-il ?
Il était seul ici, il avait perdu les seules personnes à qui il tenait... Ils n'étaient pas là. Et même s'ils l'étaient, ils ne lui pardonneraient jamais, ils le tueraient peut-être même, pour ce qui était arrivé à Gilgamesh, pour ce qu'il avait fait à Ajak...
Ajak... Son visage hantait Ikaris nuit et jour. Le son de sa voix, les derniers mots qu'elle lui avait dit avant qu'il ne la jette du haut de ce précipice, qu'il ne la donne en pâture aux Déviants...
C'était bien son souvenir qui se faisait le plus douloureux, peut-être même bien plus que celui de Sersi au final.

Parfois, il lui semblait même la voir, revoir son visage, si doux, si bienveillant et ces moments-là étaient une torture. Et lorsqu'il releva les yeux, c'est sur son visage à nouveau, qu'Ikaris tomba.
La visions se pencha, elle effleura son visage et Ikaris ferma les yeux. Le contact semblait si vrai... Sa présence semblait si réelle cette fois-ci, cela ne lui apportait que plus d'agonie.
La douleur intérieure reprenait le dessus et Ikaris ne réalisa même pas que ses blessures disparaissaient, il ne réalisait pas qu'il avait devant lui Ajak, en chaire et en os, bien vivante.

Il était totalement perdu et ébranlé. Face à cette énième vision, il se brisa de plus belle. Une larme roula sur sa joue et sans crier gare, l'Éternel se blottit contre celle qui avait toujours été là pour le guider auparavant, celle qu'il avait toujours regardé comme un Maître, une mère même parfois. Souvent.
Blottit contre son corps, il éprouva sa chaleur, se souvint pourtant de sa froideur lorsqu'elle était morte et cette fois, ce fut des sanglots qui éclatèrent.

— I'm sorry... I'm so sorry...

Ce qui lui était arrivé ? Il avait commis des erreurs. Et il ne savait toujours pas leur donner un sens, il ne savait toujours pas si ces erreurs avaient été nécessaires ou s'il s'était trompé sur toute la ligne. Et maintenant ? Que lui restait-il ?
La vision d'une femme qu'il avait aimé comme une mère mais qui l'avait trahi, qui avait trahi Arishem, une femme qu'il avait tué malgré l'amour qu'il lui portait. Une vision qui était toute l'étendue de ses erreurs et de ses regrets qu'il ne parvenait pas à exprimer clairement.

@Ikaris



@Ajak

Son état était pitoyable. Ikaris ne pouvait même pas se rendre compte à quel point sur le moment. Il le comprendrait certainement plus tard.
Pour l'instant, sa tête lui tournait. Pour l'instant, il se raccrochait à ce qu'il croyait être une vision comme à une bouée dans une mer agitée et sans merci. Et il pleurait. Avait-il déjà autant pleuré au cours de cette vie, au cours de ses autres vies ?
Rien n'était moins certain. Ikaris avait été amené à la vie, construit et programmé pour être un fidèle serviteur, pour avoir une foi et une détermination sans faille. La fidélité et la loyauté envers Arishem, envers leur mission l'empêchait de flancher, de faire preuve de réelle faiblesse.

Mais aujourd'hui, il n'avait plus rien de tout ça. Arishem n'existait pas ici, il avait perdu les Éternels, qui de toute façon s'ils le croisaient de nouveau chercheraient plus à le tuer qu'à l'accueillir à bras ouverts, il avait perdu Sersi et le seul but qui faisait qu'il avait une raison d'exister.
Pleurer, c'était certainement la seule chose qu'il lui restait actuellement.
Alors, ébranlé dans les bras d'Ajak, Ikaris laissa les larmes et les sanglots se libérer de sa garde. Il se demanda comment ça pouvait aller, comment elle pouvait lui dire ça.
Mais ce n'était qu'une vision. Une vision pouvait dire tout ce qu'elle voulait pour se montrer rassurante, ce n'était qu'une illusion perfide de son esprit.

Pourtant... Pourtant, tandis qu'Ikaris laissait quelques derniers sanglots lui échapper, que son corps épuisé tentait de reprendre un peu contenance, son esprit commençait à réaliser que son corps ne souffrait plus autant que précédemment.
À réaliser que le corps qui le tenait dans ses bras, et qu'il tenait en retour à vrai dire, avait l'air bien trop réel. Sa présence, sa voix...
Ikaris ne sut pas vraiment combien de temps cela lui avait prit pour se calmer, pour réaliser.

Mais lorsqu'il releva finalement la tête, ce fut lentement. Et avec horreur, il découvrit bel et bien que ce n'était pas une hallucination. Ajak était bel et bien là, vivante. Il ne pouvait pas se tromper.
Dans un silence total et cette demi-obscurité, il  la scruta un instant.

— How can you say that ?

Était-ce par honte ou par fatigue d'avoir tant pleuré quelques instants auparavant, ikaris ne cherchait même pas la réponse à cette question, mais sa voix était faible. Elle aurait même pu se perdre dans cette ruelle vide et sordide.
Puis, il baissa les yeux, préférant regarder les ordures dans lesquelles on l'avait jeté comme un malpropre plutôt que d'affronter le regard de celle qu'il avait considéré comme une mère tant de fois au cours de ces longues années.

— I killed you... How can you say that... How can you even be here...

@Ikaris



@Ajak

Le pardon... Ikaris en était-il seulement digne ? Avait-il eu tort sur toute la ligne ? Il ne le pensait pas, même maintenant. Il était convaincu que trahir la mission que leur avait confié Arishem était une erreur monumentale, un crime envers toute forme de vie, envers l'univers entier et leur créateur. Pourquoi personne ne voulait comprendre ? Pourquoi personne n'avait voulu prendre le temps de penser aux systèmes et aux vies qu'ils allaient condamner en sauvant l'espèce humaine ? Pourquoi était-il le seul alors à ne pas comprendre ce qui était si spécial chez eux au point de tout risquer, de tout compromettre pour les sauver, eux ?
Il aurait voulu pouvoir les voir avec les yeux de Sersi, il aurait voulu pouvoir les aimer autant pour ne pas ressentir tout ça, pour s'être rangé à leurs côtés et ne pas avoir perdu sa famille en passant pour le traître alors que c'était eux qui avaient trahi leur cause.

Mais quelle importance à présent ? Il avait tué Ajak, il s'était battu contre la seule famille qu'il ait et les avait perdu, pour rien. La mission avait échoué. Et il était ici, ne savait même pas ce qu'était cet endroit et s'en foutait bien à la vérité. Plus rien n'avait d'importance...
Plus rien sauf... Sauf Ajak. Ajak qui n'était pas une vision, qui se trouvait là, en vie, près de lui, et qui lui offrait réconfort et excuses.

Ikaris n'était même pas capable de la regarder, capable d'affronter le regard de la femme qu'il avait considéré comme une guide, une mère sans doute et qu'il avait fini par tuer lorsqu'elle l'avait déçu, lorsqu'elle l'avait laissé tomber.
Alors comment ? Comment pouvait-elle lui dire qu'elle était désolée, comment pouvait-elle se tenir là à ses côtés et lui montrer cette compassion, ce regret alors que les autres n'en avaient jamais été capables ? Pas même Sersi...

Les paroles d'Ajak n'apaisent en rien la culpabilité et la rancœur qui le dévorent. Pas même la main qu'elle lui tend. Est-ce un rêve ?
À la réflexion cela pourrait bien être le cas, oui, son esprit pouvait bien lui jouer un tour, un vicieux et affreux tour. Il ne releva la tête que pour considérer sa main, toujours assis dans les ordures. Avait-il vraiment le droit de la prendre ? D'accepter ce qu'Ajak semblait vouloir lui offrir ?
Si ce n'était qu'un rêve, il finirait de toute façon par se réveiller pour renouer avec la souffrance pitoyable qu'était devenue sa vie. Et si c'était vrai ? Ikaris était incapable de trouver une réponse à cette question-là. Plus il essayait, plus longtemps il fixait la main tendue d'Ajak.

—My guidance was Arishem. It is what I was created for. What we all were created for...

L'amertume se fit une place dans sa voix mais pour la première fois, il releva les yeux, observa le visage d'Ajak dans l'obscurité de cette ruelle sordide.

— I was created to be his loyal, good little soldier. Tell me, how did you plan to erase that in me ?

Il n'était pas digne de son pardon. Il n'était pas digne de sa compassion. Car en la regardant, car en y pensant, Ikaris n'était pas certain qu'il ne referait pas exactement le même choix : Arishem. C'était ainsi qu'il était programmé.