You think it's all right to be cruel, it's so human of you
Je ne sais pas combien de fois sur ces dernières semaines que j’essaie de m’y rendre. Impossible de rendre visite à Mama Welles, le cœur serré, Jackie me manque. Elle m’a toujours assuré qu’elle me considérait comme sa fille, que jamais elle ne me traiterait autrement. Mais je n’arrive pas à aller la voir chez elle. Et ce le nombre de fois où elle m’a invité à aller dîner chez elle. Les choses ici ont pas mal changé, des gens que j’ai vu mourir étaient pourtant bel et bien vivants et vivaient leurs meilleures vies, tandis que d’autres étaient toujours six pieds sous terre. Et les souvenirs des gens, bon sang, personne n’a la même version que son voisin. Le problème qu’il y a, c’est qu’avec les puces de chacun on peut facilement accéder à leurs souvenirs. Ça pourrait faciliter les choses mais ça les empire de temps à autre. On entend ici des gens qui hurlent à la modification, au montage vidéo. Oui, bien sûr que ça existe, et il y a quelques experts dans le domaine, bien qu’un Netrunner pourrait trouver facilement la faille dans le fichier et comprendre qu’il a été modifié. Mais là, ça fait beaucoup de monde qui ont des souvenirs différents de leurs amis, voisins. Donc, je ne pourrais pas débarquer chez celle que je considère comme ma mère pour lui parler de Jackie nous ayant quitté alors que pour elle ce ne serait pas le cas. Je me passe une main sur le visage. Quel bordel. Je déteste la vie ici, elle est bien trop compliqué que lorsque je vivais dans mon Night City. Au moins je savais à quoi m’attendre. Et puis j’étais censée être morte, rendue au paradis du net. Je ne devrais pas être ici à m'apitoyer sur mon sort, à me demander ce qui va me tomber sur le coin de la figure. Je devrais me battre, retourner chez Arasaka pour trouver des réponses auprès d’Alt, savoir si elle avait d’autres souvenirs dans sa base de données, ou bien si elle avait des souvenirs de plusieurs vies. Même si j’ai l’impression que ça sera vain. Putain, depuis quand je suis devenue aussi défaitiste ? Il faut que je me ressaisisse. Il faut que je m’occupe l’esprit pour reprendre le dessus. Je soupire doucement en me relevant de ce muret inconfortable et distraitement, debout, je tapote machinalement les armes que Jackie m’a légué, dans leurs étuis accrochés à mes cuisses. Il se serait bougé, ou plutôt il m’aurait forcé à bouger lui.
Et alors que je m’apprête à finalement me diriger vers chez Mama Welles, une inconnue descend de nul part, comme un fantôme dans la nuit, devant mon nez. Si mon premier réflexe a été d’attraper l’un des pistolets de Jackie, je reconsidère mon geste en voyant qu’elle ne compte pas m’attaquer. ❝ Bordel, on vous a jamais appris à ne pas surprendre les gens comme ça ? Je sais pas je pourrais être cardiaque, ou pire j’aurais pu vous tuer. ❞ grogne-je les sourcils froncés. Abattre quelqu’un ne me dérange pas, du moins si c’est pour me défendre ou parce qu’il s’agit d’un contrat, je ne tue pas des gens pour le plaisir. J’hausse un sourcil. Ouais j’ai peut-être essayé de faire bouger les choses fût un temps, j’ai même essayé ici à mon retour entre deux moments de dépression intense. Je ne peux pas dire que c’était une grande réussite. ❝ Si vous détestez ce lieu, pourquoi vous êtes ici ? J’veux dire, c’est pas comme si Night City n’était pas à côté d’une espèce de pont arc-en-ciel géant qui vous permet d’aller où bon vous semble. Y a pas que cette ville, je sais qu’elle est pourrie jusqu’à la moëlle avec ces putains de Corpos, mais rien ne vous oblige à y vivre. ❞ réponds-je. Même si ma phrase semble dure, le ton ne l’est pas. Oh, je n’ai pas la voix douce d’une chanteuse de Jazz, j’ai la voix plutôt cassée j’dirais, mais ça ne m’empêche pas d’être calme parfois. ❝ Vous savez, on ne sera jamais assez à deux pour dégommer les Corpos et tous ceux qui leur tournent autour comme des mouches. C’est un peu comme une hydre, on coupe la tête d’un des leurs, il en repousse trois … Puis on ne s’en prend pas à eux comme ça. Même si je veux bien croire que vous soyez discrète. ❞ J’avoue qu’elle aurait pu m’assassiner comme ça sans que je m’en rende compte avant qu’elle ne me barre le chemin en se plantant soudainement devant moi. ❝ Et en admettant que j’accepte de travailler avec vous, j’y gagne quoi ? Parce que c’est risquer notre peau à toutes les deux de s’en prendre à ces connards de première. ❞ souligne-je. Bon, ce n’est pas que j’ai peur de mourir, je suis déjà morte une fois, mais là, là on parle vraiment de milliers de personnes qui pourraient nous traquer dès qu’on aura touché à l’un des leurs. Autant moi je m’en fous, mais cette fille-là, elle a l’air gentille, j’ai pas envie qu’elle risque sa vie. Elle ne sait clairement pas à quoi elle veut s’attaquer.
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